Ecrivain, aventurier, aviateur, cinéaste, officier de marine… L’invité culturel du Club des ETI Nouvelle-Aquitaine en cette rentrée 2022 est tout cela à la fois, une vie, mais dix vies en réalité. Patrice Franceschi était à Malagar dans le cadre de la 3ème Université d’été* de notre Club, sur les terres de François Mauriac pour une conférence conçue sous forme d’échanges avec un parterre d’une cinquantaine d’adhérents.
Avec un thème émergent comme instrument de dialogue : dans un monde – et singulièrement une Europe – en proie à de grandes mutations civilisationnelles, comment nous, chefs d’entreprise, pouvons-nous réduire l’écart entre nos ambitions doctrinales et les pratiques du quotidien ?
Risque, incertitude : en préambule…
« Nous vivons sur un océan d’incertitude, comme l’a rappelé Edgar Morin. Le risque est consubstantiel à la vie. Ce qui compte, c’est ce qu’on fait du temps que la vie nous concède. On ne sait rien si on ne sait pas que la vie est tragique. C’est ainsi. A partir du moment où on le sait, on pense et on agit différemment sur le monde. On pense à ce qu’on fait, pas SUR ce qu’on fait. On voit le monde tel qu’il est, et non tel qu’on voudrait qu’il soit. La première des qualités, c’est la lucidité. »
3 questions fondamentales que tout homme doit se poser
« Il y a un manque de pensée qui empêche de voir les vagues souterraines qui surgissent, comme la vague de la guerre en Ukraine. Les trois questions que tout homme doit se poser sont :
Comment marche le monde ?
Qu’est-ce que la vie ?
Quels sont les autres ? Comment fonctionnent-ils, comment voient-ils le monde ?
Je suis favorable à une « relation humaine augmentée » en lieu et place de « l’homme augmenté », qui prend soin de lui, au lieu de prendre soin des autres. »
Le rapport au danger
« Oui j’ai eu le goût du risque, de la bagarre… à titre individuel. Quand je suis aux côtés des Kurdes, notamment des bataillons féminins, je ne me soucie pas du danger. Parce que je retrouve des gens qui pensent comme moi, qui ont un discours comme les anciens stoïciens, qui sont très heureux : ils savent pourquoi ils existent, vivent, souffrent et meurent… On parle le même langage. Leur adage : Si tu n’es pas en prison, pas à l’hôpital ou pas au cimetière, alors tout va bien ! »
Une vision de l’Europe
« L’Europe a été bâtie comme une Europe économique. Je me dresse contre le primat de l’économique sur le politique, qui accentue les égoïsmes nationaux. L’Europe devrait être politique, civilisationnelle, culturelle… et l’économie devrait jaillir de cela. On ne peut pas faire de défense européenne dans une Europe économique. Nous sommes des nains dans un monde qui devient très carnivore. »
Réfléchir l’entreprise et son rôle dans la société digitale
« Dans une entreprise, la maîtrise de nos actes est faible, l’interdépendance est totale. Il faut réfléchir à ce qu’on fait : IA, numérisation, le progrès… La nouveauté, l’innovation, n’est pas égale au progrès. Une chose nouvelle nous fait-elle plus humains ou pas ? Nous sommes très fragiles face aux technologies. Digitaliser parfois c’est déshumaniser. Quel type de société, de relations humaines cela va produire ? Un chef d’entreprise doit se poser ces questions : quel genre de société résulte de ses décisions ?
Sa responsabilité s’arrête-t-elle aux portes de sa société ? »
* Après Julia de Funès l’an dernier
Ecouter le podcast de la conférence (audio uniquement)